Le secteur bancaire français, pilier de l’économie nationale et européenne, se distingue par des pratiques salariales spécifiques concernant ses dirigeants. Entre 2018 et 2023, les rémunérations des PDG des grandes banques françaises ont connu des évolutions significatives, soulevant questions et débats dans l’opinion publique. Cette analyse approfondie examine les montants, les structures et les justifications de ces rémunérations dans un contexte où la performance financière, la responsabilité sociétale et la régulation s’entremêlent. Au-delà des chiffres bruts, nous décryptons les mécanismes décisionnels et les enjeux stratégiques qui déterminent ces packages de rémunération exceptionnels.
État des lieux des rémunérations actuelles dans les grandes banques françaises
En 2023, les dirigeants des principales banques françaises ont perçu des rémunérations totales oscillant entre 2 et 6 millions d’euros. Frédéric Oudéa, alors directeur général de la Société Générale, a perçu environ 3,76 millions d’euros, tandis que Jean-Laurent Bonnafé de BNP Paribas a reçu près de 5,9 millions d’euros. Pour Philippe Brassac du Crédit Agricole, la rémunération s’est établie autour de 2,6 millions d’euros.
Ces montants représentent l’agrégation de plusieurs composantes distinctes. La partie fixe constitue généralement entre 30% et 40% de l’enveloppe globale, avec des montants annuels variant de 900 000 à 1,6 million d’euros selon l’établissement. La rémunération variable immédiate et différée peut représenter jusqu’à 60% du total, calculée selon des critères de performance précis.
Les avantages en nature complètent ce tableau avec des montants plus modestes mais symboliques : voitures de fonction, logements de fonction dans certains cas, ou protection sociale spécifique. S’y ajoutent des mécanismes d’intéressement à long terme, principalement sous forme d’actions de performance ou de stock-options, dont la valeur peut atteindre plusieurs millions d’euros mais reste conditionnée à l’atteinte d’objectifs sur 3 à 5 ans.
Comparaison entre les principales banques françaises
Une analyse comparative révèle des disparités notables entre les établissements bancaires français:
- BNP Paribas se positionne comme l’établissement le plus généreux envers son directeur général
- Société Générale maintient une rémunération élevée mais plus modérée
- Crédit Agricole et BPCE affichent des politiques plus conservatrices
- Crédit Mutuel, de par sa structure mutualiste, présente les rémunérations les plus contenues
Ces différences s’expliquent en partie par la taille et la capitalisation boursière des établissements. BNP Paribas, première banque française et acteur majeur au niveau européen, justifie ses niveaux de rémunération par son envergure internationale et ses résultats. La culture d’entreprise joue un rôle déterminant : les banques issues du mouvement mutualiste comme le Crédit Mutuel ou le Crédit Agricole tendent à modérer davantage les rémunérations de leurs dirigeants.
Un élément marquant concerne le ratio entre la rémunération du PDG et le salaire médian des employés. Ce ratio varie considérablement : de 1 à 45 pour certaines banques mutualistes, jusqu’à 1 à 120 pour les établissements les plus internationalisés comme BNP Paribas. Cette disparité reflète non seulement des choix stratégiques mais traduit des philosophies managériales distinctes quant à la répartition de la valeur au sein de l’organisation.
Évolution historique et tendances des rémunérations depuis 2008
La crise financière de 2008 constitue un point d’inflexion majeur dans l’histoire des rémunérations bancaires. Avant cette date, les packages des dirigeants bancaires français connaissaient une croissance quasi continue, atteignant des sommets juste avant la crise. Daniel Bouton, alors à la tête de la Société Générale, avait perçu plus de 7 millions d’euros en 2007, tandis que Michel Pébereau de BNP Paribas dépassait les 6 millions.
L’onde de choc de 2008 a provoqué un repli significatif. Entre 2009 et 2012, une période d’austérité relative s’est installée, avec des diminutions de 30% à 40% des rémunérations totales. Cette tendance baissière s’explique par plusieurs facteurs convergents : pression de l’opinion publique, intervention des autorités régulatrices, et bien sûr, dégradation des performances financières.
À partir de 2013-2014, une reprise progressive s’est amorcée, sans toutefois retrouver les niveaux d’avant-crise. La période 2015-2019 a vu une stabilisation à des niveaux intermédiaires, avec une part croissante des composantes variables liées à des critères de performance. Cette évolution traduit une volonté d’aligner davantage les intérêts des dirigeants avec ceux des actionnaires et de l’entreprise à long terme.
Impact de la pandémie et rebond post-COVID
La crise sanitaire de 2020 a constitué une nouvelle rupture. En réponse aux recommandations de la BCE et de l’ACPR, les dirigeants des grandes banques françaises ont renoncé à une partie significative de leur rémunération variable au titre de 2020. Jean-Laurent Bonnafé et Frédéric Oudéa ont ainsi vu leurs packages diminuer de 30% à 40% par rapport à 2019.
Cependant, dès 2021, un rebond spectaculaire s’est opéré. Porté par des résultats exceptionnels et une reprise économique vigoureuse, les rémunérations ont non seulement retrouvé leurs niveaux pré-pandémie mais les ont parfois dépassés. Cette situation a ravivé le débat sur la justification de telles sommes dans un contexte où de nombreux secteurs économiques peinaient encore à se relever.
L’analyse des tendances sur quinze ans révèle une transformation profonde de la structure des rémunérations plutôt qu’une simple variation des montants. La part fixe a diminué en proportion, au profit de mécanismes variables plus sophistiqués. Les critères d’attribution se sont diversifiés, intégrant progressivement des dimensions extra-financières comme la satisfaction client, la transformation numérique ou la performance ESG.
Cette évolution cyclique illustre la sensibilité des rémunérations dirigeantes aux contextes économiques, réglementaires et sociétaux. Elle témoigne d’un équilibre fragile entre la nécessité d’attirer des talents de premier plan dans un marché international compétitif, et les exigences croissantes de modération et de justification des écarts de rémunération au sein des organisations.
Mécanismes de détermination et gouvernance des rémunérations
La fixation des rémunérations des PDG dans le secteur bancaire français obéit à un processus complexe, encadré par des règles strictes et soumis à différents niveaux de contrôle. Au cœur de ce dispositif se trouve le comité des rémunérations, instance spécialisée du conseil d’administration ou de surveillance. Composé majoritairement d’administrateurs indépendants, ce comité formule des recommandations que le conseil valide ensuite.
La méthodologie employée repose généralement sur des études comparatives réalisées par des cabinets spécialisés comme Willis Towers Watson ou Mercer. Ces études positionnent l’établissement par rapport à ses pairs nationaux et internationaux, en tenant compte de critères comme la taille, la capitalisation boursière, la complexité ou la performance. L’objectif affiché est de proposer des packages compétitifs permettant d’attirer et retenir les meilleurs talents, tout en restant dans une fourchette raisonnable.
La structure des rémunérations suit désormais un modèle relativement standardisé, avec quatre composantes principales:
- Une rémunération fixe, socle de stabilité et reconnaissance du niveau de responsabilité
- Une rémunération variable annuelle, liée à des objectifs à court terme
- Des incitations à long terme, généralement sous forme d’actions
- Des avantages annexes (retraite chapeau, indemnités de départ, etc.)
Le rôle des critères de performance
Les critères de performance conditionnant l’attribution des éléments variables se sont considérablement sophistiqués. Ils se répartissent typiquement en trois catégories:
Les critères financiers quantitatifs demeurent prédominants (60-70% du total) et incluent des indicateurs comme le résultat net, le coefficient d’exploitation, la rentabilité des fonds propres (ROE), ou encore l’évolution du cours de l’action par rapport aux concurrents.
Les critères stratégiques et opérationnels (20-30%) évaluent l’avancement des projets de transformation, l’amélioration des parts de marché ou la satisfaction client. Plus qualitatifs, ils font l’objet d’appréciations par le conseil.
Les critères extra-financiers (10-20%) gagnent en importance et couvrent la responsabilité sociale et environnementale, la diversité, ou encore la conformité réglementaire. BNP Paribas a ainsi conditionné 15% de la rémunération variable de son directeur général à des objectifs RSE en 2022.
Cette architecture complexe vise à créer un système d’incitation alignant les intérêts du dirigeant avec ceux de la banque et de ses différentes parties prenantes sur différents horizons temporels. La pondération entre ces critères constitue un signal fort quant aux priorités stratégiques de l’établissement.
Le processus de détermination inclut des mécanismes de contrôle comme les clauses de malus et de clawback, permettant de réduire ou récupérer des rémunérations variables en cas de comportements risqués ou de résultats révisés à la baisse. Ces dispositifs, renforcés après la crise de 2008, témoignent d’une volonté d’équilibrer rémunération et maîtrise des risques.
L’approbation finale passe par le vote des actionnaires lors de l’assemblée générale, selon le principe du « say on pay ». Bien que ce vote soit consultatif sur la politique générale, il devient contraignant sur les packages individuels des dirigeants. Cette évolution traduit un pouvoir accru des actionnaires dans la gouvernance des rémunérations, comme l’a illustré le rejet en 2021 de la rémunération proposée pour le directeur général de Natixis.
Cadre réglementaire et contraintes spécifiques au secteur bancaire
Le secteur bancaire se distingue par un encadrement réglementaire particulièrement strict en matière de rémunération des dirigeants. Cette spécificité s’explique par le rôle systémique des banques dans l’économie et par les leçons tirées de la crise financière mondiale. Plusieurs textes fondateurs structurent aujourd’hui ce cadre réglementaire.
La directive européenne CRD IV (Capital Requirements Directive), transposée en droit français, constitue le socle principal. Elle impose un plafonnement du bonus des « preneurs de risques » (dont les PDG) à 100% du salaire fixe, extensible à 200% avec approbation des actionnaires. Cette mesure sans équivalent dans d’autres secteurs vise à limiter les incitations à la prise de risque excessive.
Le règlement délégué 2021/923 de la Commission Européenne définit précisément les critères d’identification de ces « preneurs de risques significatifs » (Material Risk Takers). Au-delà des dirigeants exécutifs, cette catégorie englobe tous les collaborateurs dont les activités peuvent impacter substantiellement le profil de risque de l’établissement.
L’Autorité Bancaire Européenne (ABE) émet régulièrement des lignes directrices qui viennent préciser les modalités d’application. Ces orientations concernent notamment la structure des rémunérations variables, les mécanismes de report et les instruments de paiement à privilégier.
Spécificités françaises et contraintes opérationnelles
La France a souvent adopté une approche plus restrictive que ses voisins européens. La loi PACTE de 2019 a renforcé les exigences de transparence et le contrôle des actionnaires. Le Code AFEP-MEDEF, bien que non contraignant juridiquement, fixe des standards élevés que les banques cotées s’engagent généralement à respecter.
Ces contraintes se traduisent par des obligations opérationnelles concrètes :
- L’étalement obligatoire d’au moins 40% de la rémunération variable sur 4 à 5 ans
- Le versement d’au moins 50% de la part variable sous forme d’instruments financiers (actions ou équivalents)
- L’interdiction des bonus garantis sauf circonstances exceptionnelles
- La mise en place de périodes de rétention pour les instruments financiers attribués
- La publication détaillée des packages individuels dans les documents de référence
Ces règles génèrent des défis pratiques pour les banques françaises. Elles limitent leur flexibilité dans un contexte de concurrence internationale pour les talents, notamment face aux établissements américains ou asiatiques soumis à des contraintes moins strictes. BNP Paribas ou Société Générale doivent ainsi composer avec ces restrictions dans leurs filiales de banque d’investissement à Londres ou New York, où les pratiques de marché diffèrent sensiblement.
L’évolution réglementaire se poursuit avec le paquet bancaire CRD VI en préparation, qui devrait renforcer encore les exigences en matière d’intégration des risques climatiques et environnementaux dans les politiques de rémunération. Cette tendance illustre comment la régulation utilise les mécanismes de rémunération comme levier pour orienter les stratégies bancaires vers des objectifs d’intérêt général.
L’ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution) joue un rôle de supervision actif, avec des contrôles réguliers des politiques de rémunération. Ses rapports annuels pointent fréquemment des insuffisances dans l’application des règles, notamment concernant l’identification des preneurs de risques ou la documentation des processus décisionnels.
Ce cadre contraignant a profondément transformé les pratiques du secteur. Les banques françaises ont dû adapter leurs structures de rémunération, renforcer leurs processus de gouvernance et développer une expertise spécifique en matière de conformité. Si ces règles ont parfois été perçues comme des handicaps concurrentiels, elles ont contribué à une plus grande stabilité du système financier français.
Comparaison internationale: positionnement des banques françaises
Les rémunérations des PDG des banques françaises se situent dans une position intermédiaire à l’échelle internationale. Elles apparaissent nettement inférieures à celles pratiquées aux États-Unis, mais généralement supérieures à celles observées dans plusieurs pays européens comme l’Allemagne ou l’Italie.
Le marché américain se distingue par des niveaux de rémunération exceptionnellement élevés. Jamie Dimon, PDG de JPMorgan Chase, a perçu environ 34,5 millions de dollars en 2022, soit près de six fois la rémunération de Jean-Laurent Bonnafé à la tête de BNP Paribas. James Gorman de Morgan Stanley ou Brian Moynihan de Bank of America ont reçu respectivement 31,5 et 30 millions de dollars la même année. Ces écarts s’expliquent par une culture financière différente, un marché des talents plus agressif et un cadre réglementaire moins contraignant.
Au Royaume-Uni, autre place financière majeure, les rémunérations se rapprochent davantage des pratiques françaises tout en restant supérieures. Charlie Nunn, directeur général de Lloyds Banking Group, a perçu l’équivalent de 7,5 millions d’euros en 2022, tandis que C.S. Venkatakrishnan de Barclays atteignait 8,6 millions d’euros.
Spécificités européennes et diversité des approches
Au sein même de l’Union Européenne, d’importantes disparités persistent malgré un cadre réglementaire commun. Les banques espagnoles comme Santander ou BBVA offrent des packages comparables aux françaises, tandis que les établissements allemands, italiens ou néerlandais tendent à pratiquer des rémunérations plus modestes.
Christian Sewing, PDG de Deutsche Bank, a perçu environ 5 millions d’euros en 2022, soit moins que son homologue français de BNP Paribas, malgré la taille comparable des deux institutions. Cette situation s’explique en partie par le contexte politique allemand, traditionnellement plus réticent aux rémunérations élevées, et par les difficultés traversées par la banque ces dernières années.
Les pays nordiques présentent un modèle encore plus restrictif, avec des écarts de rémunération nettement plus faibles. Le PDG de Nordea, principale banque scandinave, perçoit une rémunération totale d’environ 3 millions d’euros, reflétant une culture d’entreprise plus égalitaire.
Au-delà des montants bruts, les structures de rémunération varient considérablement selon les zones géographiques. Les banques américaines privilégient davantage les mécanismes d’attribution d’actions et d’options (jusqu’à 70-80% du package total), quand les établissements européens maintiennent une part plus importante de rémunération fixe et de bonus annuel en numéraire.
La question de la compétitivité internationale constitue un argument récurrent dans les débats sur les rémunérations bancaires françaises. Les partisans de packages attractifs soulignent le risque de voir les meilleurs talents attirés par les établissements anglo-saxons, compromettant la position des banques françaises sur l’échiquier mondial. Les détracteurs répondent que la performance d’une banque dépend de facteurs bien plus larges que la seule rémunération de son dirigeant.
Cette dimension internationale se manifeste dans la composition même des conseils d’administration et des comités de rémunération des grandes banques françaises, qui intègrent désormais des administrateurs étrangers habitués à d’autres pratiques. Cette internationalisation des instances de gouvernance contribue à une certaine convergence des approches, tout en préservant des spécificités nationales.
La comparaison internationale révèle un autre phénomène intéressant : l’écart entre les rémunérations des PDG et celles des cadres dirigeants N-1 varie considérablement selon les pays. Dans les banques américaines, le PDG peut gagner 5 à 6 fois plus que ses principaux lieutenants, alors que ce ratio se limite généralement à 2 ou 3 dans les établissements français. Cette différence traduit des conceptions divergentes du leadership et de la répartition du pouvoir décisionnel.
Perspectives d’avenir et nouveaux paradigmes de rémunération
L’évolution des rémunérations des PDG du secteur bancaire français s’inscrit dans un contexte de transformation profonde du métier bancaire et des attentes sociétales. Plusieurs tendances majeures se dessinent pour les années à venir, redessinant potentiellement le paysage des rémunérations dirigeantes.
L’intégration croissante des critères ESG (Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance) dans les mécanismes de rémunération variable représente la mutation la plus visible. D’un poids symbolique de 5% il y a quelques années, ces critères atteignent désormais 15% à 20% dans les packages des dirigeants bancaires français et pourraient s’approcher de 30% d’ici 2025. Cette évolution répond tant aux pressions réglementaires qu’aux attentes des investisseurs institutionnels et du grand public.
Concrètement, les objectifs climatiques prennent une place prépondérante, avec des indicateurs comme la réduction du financement des énergies fossiles ou l’augmentation des financements verts. Société Générale a ainsi intégré dans la rémunération variable de ses dirigeants un objectif de réduction de 10% de l’exposition globale au secteur d’extraction pétrolière et gazière d’ici 2025.
Transformation numérique et nouveaux indicateurs de performance
La transformation numérique constitue un autre vecteur de modification des systèmes d’incitation. Les objectifs liés à l’innovation technologique, à l’adoption des services digitaux par la clientèle ou à la cybersécurité gagnent en importance dans les grilles d’évaluation. Cette tendance reflète le repositionnement stratégique des banques face à la concurrence des fintechs et des néobanques.
La notion même de performance connaît une redéfinition progressive. Au-delà des indicateurs financiers traditionnels comme le ROE ou le coefficient d’exploitation, de nouveaux critères émergent:
- La satisfaction client mesurée par le Net Promoter Score
- L’engagement des collaborateurs évalué par des enquêtes internes
- La résilience opérationnelle face aux crises
- L’empreinte sociale sur les territoires d’implantation
Cette diversification des critères traduit une vision plus holistique de la performance bancaire, intégrant l’ensemble des parties prenantes au-delà des seuls actionnaires. Elle répond aux critiques sur la focalisation excessive des systèmes de rémunération sur les résultats financiers à court terme.
Le débat sur les écarts de rémunération au sein des organisations bancaires continue de s’intensifier. Plusieurs banques expérimentent désormais l’intégration d’objectifs de réduction du ratio entre la rémunération du PDG et le salaire médian des collaborateurs. Crédit Mutuel Alliance Fédérale a ainsi fixé un objectif de maintien de ce ratio sous le seuil de 1 à 50, bien en-deçà des pratiques du marché.
La pression réglementaire ne devrait pas faiblir dans les prochaines années. Le paquet bancaire CRD VI en préparation au niveau européen pourrait renforcer encore les exigences en matière d’alignement des rémunérations avec la gestion des risques, notamment climatiques. Parallèlement, la taxonomie européenne des activités durables fournira un cadre de référence pour objectiver les critères environnementaux dans les packages de rémunération.
Face à ces évolutions, les banques françaises adoptent différentes stratégies. Certaines comme BNP Paribas ou Société Générale cherchent à maintenir des niveaux de rémunération compétitifs à l’international tout en adaptant leur structure aux nouvelles exigences. D’autres, particulièrement dans le secteur mutualiste, font de la modération salariale un élément distinctif de leur positionnement, assumant un certain décalage avec les pratiques de marché.
L’émergence de nouvelles générations de dirigeants, aux parcours plus diversifiés et aux sensibilités différentes, pourrait accélérer ces transformations. Les successeurs des actuels PDG, souvent issus de la génération X ou des premiers millennials, expriment parfois des attentes différentes en matière d’équilibre entre rémunération financière et sens donné à leur action.
Cette évolution s’inscrit dans un questionnement plus large sur le rôle des banques dans la société et l’économie. La légitimité des rémunérations exceptionnelles se jouera de plus en plus sur la capacité des dirigeants à démontrer leur contribution positive aux grands défis contemporains: transition énergétique, inclusion financière, ou réduction des inégalités. Dans ce contexte, la transparence et la pédagogie autour des systèmes de rémunération deviendront des enjeux stratégiques pour le secteur bancaire français.
